Aline Krebs de Homecoming studio
Interview du 1er février 2019 réalisée par rOmain Thouy à Montpellier
15ème article d’une série d’interviews réalisés sur la gestion de l’innovation dans le domaine des industries créatives (jeux vidéo, films d’animation) de la région Occitanie.
Aline Krebs, artiste 2D/3D, fondatrice du studio Homecoming studio,
une entreprise de prestation pour le jeu vidéo, qui propose différentes expertises : la conception visuelle (création de visuels en phase de concept, assets de production d'environnement 2D et 3D, visuels marketing) ainsi qu'en communication (conseils, stratégie de communication, relations presse). Homecoming studio travaille aussi sur ses propres jeux.
Formation : BTS en Communication visuelle ; licence professionnelle jeux vidéo à l’université Paul Valéry, Master JMIN en conception visuelle de l’ENJMIN à Angoulême.
son 1er jeu : Brakes Are For Losers (BAFL)
"Je ne savais pas vraiment quoi faire après mon BTS. Une seule certitude : je voulais faire des jeux vidéo depuis très longtemps. En discutant autour de moi pour trouver quelle école je pourrais faire pour travailler dans cette industrie, j’ai finalement opté pour la licence professionnelle de l’université Paul Valéry de Montpellier. C’est cette licence qui m’a ouvert les portes au jeu vidéo. Pendant l’année, j’ai participé à des game jams, j’ai rencontré des professionnels, j’ai même participé à un projet en groupe qui a été incubé à Cap Oméga. C’est pendant ma licence que j’ai entendu parler de l’Enjmin à Angoulême, mais dont le concours d’accès est réputé difficile. Après ma licence, je me suis inscrite un an en art plastique pour bien préparer ce concours. Et j’ai été reçue !"
"Je suis alors partie à Angoulême pendant 2 ans. J’ai choisi la coloration [spécialisation] “conception visuelle” (il y en a 6 : chef de projet, game design, programmation, ergonomie, sound design). Là-bas, c’était super, nous travaillions en groupe sur des projets, exactement comme dans la vie professionnelle. Chaque groupe était formé de profils de chacune des colorations. Après mon stage, j’ai cherché du travail et j’ai été contacté pour travailler en freelance. J’ai démarré comme cela, et en parallèle, j’ai rejoint un projet de jeu avec un ami qui avait déjà réalisé toute la programmation et le game design de ce jeu. Il ne manquait quasiment que les sons et les graphismes. Le jeu s’appelle BAFL (Brakes Are For Losers) : il est d’abord sorti sur PC en octobre 2017 puis sur console Switch en Avril 2018. J’ai bien fait de faire ce projet, car il m’a permis de rentrer dans ce milieu.”
“Comme j’ai un profil généraliste, je fais autant de l’illustration 2D orientée environnement que de la modélisation et texturing 3D, mais je peux aussi bien intervenir sur d’autres aspects graphiques d’un projet. Je suis une touche à tout. Depuis BAFL, j’ai monté mon studio (août 2017), qui s’appelle Homecoming studio. Nous sommes plutôt orientés prestations, mais nous avons aussi des projets de jeux vidéo en interne qui commencent à germer : notre objectif est de nous autoproduire pour créer nos propres jeux. Nous sommes actuellement 2 associés et nous sommes en train de réfléchir sur le concept de notre premier jeu. Nous sommes positionnés sur des prestations de graphisme et de communication. Les prestations du studio concernent le jeu vidéo, avec des interventions en production sur des illustrations d’environnements en 2D le plus souvent et 3D de temps en temps aussi. Mais ma compétence généraliste me permet de faire des prestations en dehors du jeu vidéo, comme par exemple de la cartographie, du pictogramme ou de la mise en page.”
"Je suis alors partie à Angoulême pendant 2 ans. J’ai choisi la coloration [spécialisation] “conception visuelle” (il y en a 6 : chef de projet, game design, programmation, ergonomie, sound design). Là-bas, c’était super, nous travaillions en groupe sur des projets, exactement comme dans la vie professionnelle. Chaque groupe était formé de profils de chacune des colorations. Après mon stage, j’ai cherché du travail et j’ai été contacté pour travailler en freelance. J’ai démarré comme cela, et en parallèle, j’ai rejoint un projet de jeu avec un ami qui avait déjà réalisé toute la programmation et le game design de ce jeu. Il ne manquait quasiment que les sons et les graphismes. Le jeu s’appelle BAFL (Brakes Are For Losers) : il est d’abord sorti sur PC en octobre 2017 puis sur console Switch en Avril 2018. J’ai bien fait de faire ce projet, car il m’a permis de rentrer dans ce milieu.”
“Comme j’ai un profil généraliste, je fais autant de l’illustration 2D orientée environnement que de la modélisation et texturing 3D, mais je peux aussi bien intervenir sur d’autres aspects graphiques d’un projet. Je suis une touche à tout. Depuis BAFL, j’ai monté mon studio (août 2017), qui s’appelle Homecoming studio. Nous sommes plutôt orientés prestations, mais nous avons aussi des projets de jeux vidéo en interne qui commencent à germer : notre objectif est de nous autoproduire pour créer nos propres jeux. Nous sommes actuellement 2 associés et nous sommes en train de réfléchir sur le concept de notre premier jeu. Nous sommes positionnés sur des prestations de graphisme et de communication. Les prestations du studio concernent le jeu vidéo, avec des interventions en production sur des illustrations d’environnements en 2D le plus souvent et 3D de temps en temps aussi. Mais ma compétence généraliste me permet de faire des prestations en dehors du jeu vidéo, comme par exemple de la cartographie, du pictogramme ou de la mise en page.”
Bonjour Aline, tout d’abord, comment définis-tu l’innovation dans ton domaine?
Bonjour rOmain.
L’innovation, c’est sortir des sentiers battus et essayer de s’intéresser à des choses nouvelles mais en rapport avec son propre vécu, sa propre expérience : le jeu vidéo se prête énormément à cela. Dans mon métier, c’est surtout au travers des processus et méthodes de création que l’innovation s’exprime. Par exemple, une chose que je fais beaucoup, dans mon métier, c’est d’utiliser des bases 3D pour faire de la 2D. Cela consiste à poser un décor en 3D pour ensuite le retranscrire et le peindre en 2D, en y ajoutant des détails pour essayer de casser la 3D, etc.. J’apprécie cette technique là, car je pars d’une perspective 3D précise, qui est générée à l’aide d’un logiciel 3D, et je passe ensuite en peinture 2D. De plus en plus de concept artists utilisent cette méthode. C’est ce que j’ai utilisé, par exemple, pour le jeu BAFL, où j’ai fait tous mes décors 2D à base de 3D.
L’innovation, c’est sortir des sentiers battus et essayer de s’intéresser à des choses nouvelles mais en rapport avec son propre vécu, sa propre expérience : le jeu vidéo se prête énormément à cela. Dans mon métier, c’est surtout au travers des processus et méthodes de création que l’innovation s’exprime. Par exemple, une chose que je fais beaucoup, dans mon métier, c’est d’utiliser des bases 3D pour faire de la 2D. Cela consiste à poser un décor en 3D pour ensuite le retranscrire et le peindre en 2D, en y ajoutant des détails pour essayer de casser la 3D, etc.. J’apprécie cette technique là, car je pars d’une perspective 3D précise, qui est générée à l’aide d’un logiciel 3D, et je passe ensuite en peinture 2D. De plus en plus de concept artists utilisent cette méthode. C’est ce que j’ai utilisé, par exemple, pour le jeu BAFL, où j’ai fait tous mes décors 2D à base de 3D.
Comment portes-tu cette innovation ?
La partie innovation est complètement intégrée dans mon processus créatif, ce qui me fait dire que j’y consacre peut être la moitié de mon temps. Et pour mon associé aussi, car lui est très axé sur la veille, les tendances, sur le futur, donc sur le marché présent et futur. Par exemple, quand un projet est en train d’émerger, il m’envoie plein d’articles et de vidéos qui m’influencent dans mon processus de création.
L’innovation pour le studio, c’est que nous allons nous lancer dans des productions maisons ; et côté prestations, quand c’est possible, j’essaie de prendre des contrats qui me permettent d’expérimenter de nouvelles choses, de sortir de ma zone de confort.
Pourquoi est-ce si important d’innover ?
Il n’est pas indispensable d’innover dans le jeu vidéo pour rendre un produit de qualité qui fera voyager les joueurs. Il suffit de se baser sur des éléments qui existent déjà en apportant son petit grain à soi.
Ce que j’aime personnellement dans un jeu, en tant que joueuse, c’est d’être transportée dans un univers que je ne connais pas, qui est nouveau pour moi, et cette sensation est valable aussi en tant que conceptrice. Quand je joue, ma vision de conceptrice vient obligatoirement dans l’équation, je repère des choses que je ne vois pas souvent dans les autres jeux, j’arrive à sentir la patte des créateurs, l’amour qui a été mis dans la création. C’est génial d’arriver à retranscrire ses propres émotions aux joueurs.
Comment fais-tu pour innover ?
J’expérimente beaucoup, je fais un peu de recherche et je regarde ce qui se fait ailleurs. Pour cela, j’utilise beaucoup la plateforme ArtStation [plateforme qui héberge les portfolios d’artistes] : je regarde les dernières tendances, les artistes qui sont en première page. J’ai un processus créatif assez long avec beaucoup de réflexion au début : j’ai besoin qu’une petite graine se plante, commence à germer, et cela peut prendre au moins une semaine, voir plus. Par contre, une fois que les idées arrivent, il faut que je produise à tout va, que ce soit du croquis ou de la modélisation directe en 3D, car à ce moment-là, j’ai des images très précises qui m’arrivent en tête. Et je commence à expérimenter comme cela. C’est très nourrissant pour la créativité d’aller sur ArtStation ou d’autres plateformes, de regarder aussi des vidéos de process d’autres artistes, et il y en a de plus en plus qui sont partagées. Notamment depuis l’arrivée du logiciel Procreate [logiciel qui permet entre autre de capturer une vidéo durant la création de l’image] sur tablette ou mobile. J’y trouve beaucoup d’idées, de techniques, que je reproduis ou pas selon le temps que j’ai au moment où je les découvre, et qui m’inspire ou pas selon mes missions en cours.
Quand c’est nécessaire, j’utilise aussi une méthode que l’on m’a enseignée : la fameuse méthode du 7-3-1, qui consiste à avoir 7 idées de base, à en pousser 3 pour en finaliser 1. C’est une méthode à mettre en oeuvre notamment avec des clients qui sont aussi en recherche d’idées et pour lesquels la commande est assez ouverte.
Allez, Aline, tu peux m’en dire un peu plus ?
Je fais beaucoup de proof-of-concept (POC). Et je les conserve : j’ai un cimetierre de POC sur mon ordinateur. Je l'appelle aussi le dossier de la frustration ! Je les conserve car souvent, à la base, il y avait une idée que j’aimais beaucoup mais pour laquelle je n’avais pas encore les aptitudes nécessaires pour la réaliser. Donc je garde mes POC pour plus tard, pour quand j’aurai plus de maturité et de savoir faire technique pour les reprendre et les réaliser correctement.
Avec des clients qui ont besoin d’une aide créative, il m’arrive aussi de beaucoup jeter d’essais afin d’aller plus loin dans la recherche avec eux, jusqu’à ce que ma proposition leur convienne.
Dans mon processus, il m’arrive aussi de faire intervenir des amis qui sont aussi des professionnels du milieu, donc plutôt des artistes qui ont le même profil que moi. Quand j’ai une idée intéressante mais que je n’arrive pas à la pousser suffisamment toute seule, je vais en discuter avec eux ; du coup, tout le monde va brainstormer sur l’idée et il va en ressortir des clés pour la réaliser.
Je m’adresse aussi à Benjamin, mon associé, qui lui fait beaucoup de veille. Son avis sur les choses que je lui montre est important ; je le considère vraiment comme un artiste qui ne pratique pas mais qui connaît très bien tout le processus créatif. Souvent, il me fait des propositions sur l’agencement des objets, la lumière, etc.. Il me complète bien sur le plan de la conception.
Aujourd’hui, j’ai encore un peu peur d’exposer mon travail sur la place publique : j’ai peur de ne pas être au niveau des autres. Je crains en particulier les communautés sur internet, qui peuvent être très virulentes. J’aimerai bien exposer dans des groupes d’artistes, sur facebook, comme celui de Loish, qui est très connue (elle a travaillé sur Horizon Zero Dawn, par exemple) et dans lequel elle a défini des règles de bienveillance. Je suis encore très ou trop sensible à l’avis de mes pairs, c’est pour cela que je suis très prudente sur ce que je poste dans les réseaux par rapport à mes productions. Je n‘ai pas encore publié dans son groupe. Pour le moment, je publie plutôt sur Instagram des stories et des work in progress, et j’ai des retours de gens que je connais. Je préfère privilégier ce réseau pour le moment.
Comment stimulez-vous l’innovation chez Homecoming studio ?
Pour me stimuler, je regarde beaucoup de choses en dehors du jeu vidéo, comme les séries, les films ou encore la lecture de bandes dessinées.
Pour notre futur jeu, nous faisons aussi beaucoup de brainstorming à deux. Comme nous sommes tout au début de la création, donc en pleine phase de concept, nous parlons de beaucoup de choses à chaque fois, sans thème prédéfini ni ordre du jour particulier. Ces réunions de brainstorm se passent en présentiel, sur toute une journée. Mais nous sommes encore en phase de conception, pas encore en préproduction.
J’essaie aussi de continuer à me former sur les logiciels utilisés dans l’industrie. En ce moment, j’apprends beaucoup de choses sur l’intégration 3D dans Unity et comment intégrer mon travail afin de faciliter le plus possible le travail des programmeurs.
Comme je l’ai dit avant, je regarde aussi ce que font mes pairs, j’en discute avec eux sur les plateformes ArtStation, Facebook, Instagram. Je suis aussi des sujets sur Pinterest, sans interaction ou discussion, comme en ce moment les cartoons ou la bande-dessinées. Je vais au cinéma et je m’intéresse plus particulièrement aux films d’animation, comme le dernier Spiderman : new generation. En plus, j’ai des copains qui y ont participé, aux côtés de grands artistes de l’industrie ! Ce film est très innovant en terme de direction artistique et d’animation.
Avec les nouvelles technologies actuelles, le cinéma d’animation tend vraiment vers un photoréalisme assez convaincant, tout en gardant, des fois, un aspect dessin animé, avec ses expressions exagérées comme dans les cartoons : en tout cas, c’est ce que j’aime beaucoup !
Pour ma veille, je regarde aussi beaucoup les courts métrages d’étudiants, sur Youtube, qui sortent chaque année. J’ai eu la chance de participer, comme spectatrice, à une représentation de films de fin d’année dans une école où une de mes amies finissaient sa cinquieme et derniere année: son film The Green Bird a été nominé et primé aux Student Academy Awards. C’était vraiment très inspirant.
Au niveau presse, Je lis un peu Canardpc, mais c’est plutôt Benjamin, mon associé, qui fait sa veille avec ce magazine. Je le lis de temps en temps, sur ses recommandations quand il m’encourage à lire tel ou tel article.
Au niveau réseaux sociaux, comme Twitter, je suis quasiment que des artistes, pas forcément dans le jeu vidéo, surtout des illustrateurs, des graphistes, c’est assez varié. Je suis particulièrement les artistes qui communiquent sur leur processus de création, c’est très important pour moi. Je stocke certaines images dans mon dossier, parce que plus tard, quand je suis dans un processus de recherche, je peux être amenée à piocher dans ce dossier la méthode dont j’ai besoin.
Je donne aussi des cours de 3D à l’université de Montpellier 3 (Paul Valery), 3h de cours par semaine pendant 2 mois. C’est très stimulant et cela m’apprend à être claire dans mes propos et explications.
Un petit scoop, sur le futur proche ?
Vous pouvez retrouver mon actualité sur mon Twitter (@AloshKrebs), mon instagram (@alinekrebs_art), sur Artstation (https://www.artstation.com/alosh) ou encore suivez l’actualité d’Homecoming Studio sur Facebook !
Merci Aline d'avoir partagé ta vision sur l'innovation.
#ParlonsDInnovationAvec